Echange entre Mariane Béhar, Fondatrice de AIME et Mathias Monribot, fondateur de PETIT POUCET
Dimanche 12 Septembre 2021
Mariane :
Mathias, tu as fondé Petit Poucet il y a 20 ans, accompagné des centaines de jeunes entrepreneurs, quel regard portes-tu sur le « nouveau monde » ?
Mathias :
J’observe les cartes économiques et sociales se redistribuer entièrement depuis 18 mois avec une forme de fascination. Ce « nouveau monde » se révèle, les contours se dessinent, j’entrevois l’avenir avec une certaine sérénité. Paradoxalement, même si certaines contraintes, parfois clivantes, pourraient laisser l’impression que le monde se déchire, je ressens étrangement une forme de solidarité pour fonder les bases d’un système plus collaboratif, plus soudé, plus solidaire. Nous ne sommes rien face à la nature, cela nous rapproche.
Depuis 5 ans déjà, au travers du Concours Petit Poucet et des nombreux projets de jeunes entrepreneurs que nous recevons chaque année, nous ressentons cette lame de fond. Ce « nouveau monde » m’apparaît comme la continuité naturelle de l’économie moderne, désormais plus centrée, plus sensée et plus responsable.
Mariane :
Depuis 2018, porté par les anciens « Petits Poucets » que tu as accompagnés et qui ont aujourd’hui pris le relais de la sélection, de l’accompagnement et du financement des étudiants entrepreneurs issus du Concours Petit Poucet, tu as pu prendre du recul et te consacrer à un nouveau chapitre de Petit Poucet. Peux-tu nous en dire plus aujourd’hui ?
Mathias :
En 2017, je me suis installé en Bretagne avec pour projet de poursuivre ma mission, faire éclore des talents. Après 20 ans d’aventure Petit Poucet à conseiller et financer des start-ups créées par des étudiants de grandes écoles, j’éprouvais le besoin de descendre plus en profondeur vers une population plus jeune, pour qui les frémissements de l’entrepreneuriat sont balbutiants et chez qui le manque de confiance en soi est encore plus prononcé. Grâce à ma femme, nous avons acheté une ferme et décidé de nous consacrer ensemble à y accueillir des jeunes pour les éveiller aux métiers de la terre et de l’artisanat. La connexion à la nature est pour moi une façon de se rassurer sur le monde de demain, de prendre confiance et de s’approprier sa mission personnelle de vie. Pendant le confinement, j’étais enthousiaste de voir certains de mes proches commencer à « cultiver leur jardin », consommer local, être attentifs à leurs voisins… c’est un bon présage pour l’avenir. Un truc qu’aucune étude de marché n’aurait pu prévoir !
Mariane :
Dans ta vie de conseil de start-ups, tu as longtemps milité pour le « pas d’étude de marché » et « pas de business plan », tu as financé 40 entreprises (que tu baptises amicalement ton « petit CAC 40 ») dans 40 secteurs d’activité différents. La plupart sont aujourd’hui des succès.
Le« pas d’étude de marché » et « pas de business plan », ça marche vraiment ?
Mathias :
Je me suis affranchi très tôt de l’actualité, je pense avec le recul que cela a été une chance pour les jeunes entrepreneurs que j’ai pu conseiller depuis 2001. En 1981, j’avais alors 9 ans, j’ai constaté avec étonnement à quel point l’annonce des résultats d’une élection présidentielle pouvaient provoquer une émotion familiale irrationnelle. C’était mon premier choc avec l’actualité. 20 ans plus tard, le 12 septembre 2001, lors d’un board trimestriel, je me faisais virer de ma première entreprise (créée quelques années plus tôt sur les bancs de mon école de commerce), par des investisseurs qui avaient passé leur nuit à mesurer l’impact des attentats du 11 septembre sur les valeurs boursières. Depuis ce jour et je les en remercie, je ne regarde plus les infos, je ne lis pas la presse économique, je ne lis pas la presse alternative et je ne consulte pas mon compte Facebook. J’analyse l’actualité par le regard des gens et je trouve que c’est d’une richesse infinie.
Mariane :
Même dans le contexte actuel ?
Mathias :
Plus que jamais !
Je pense que cela me sauve des inquiétudes et me permet de mieux comprendre les peurs ambiantes. L’interprétation de l’actualité retranscrite au travers des mots de personnes que l’on connait est un décryptage précieux. Comprendre certaines angoisses, interpréter la colère, percevoir les peurs légitimes permet de maintenir son cap, de le challenger au quotidien, de surmonter les doutes et de savourer les victoires, une vraie aventure entrepreneuriale finalement !
Cette conviction de distance par rapport à l’actualité me permet de garder la « Force », parfois naïve ou juste mal comprise, de construire de nouveaux projets en toute sérénité. Lorsque j’ai ouvert la Maison des Petits Poucets au cœur du quartier latin en 2007, beaucoup m’ont cru fou, certains m’ont suivi. J’espère que les « Gardiens de la Terre » suivront la même trajectoire.
Mariane :
Merci Mathias.
De mon côté, comme tu le sais, avec le soutien des « anciens », je m’attèle à la préparation de la 20ème édition du Concours Petit Poucet, je sais à quel point cette célébration te tient à cœur et sera pour nous la passerelle vers le nouveau défi que tu te lances, avec le soutien de ta famille et de l’ensemble des Petits Poucets.
Crédit photo : Lily Monribot
New life
New challenge
New kiff
Big up !